Destiempo
2020 - 2019

Impression pigmentaire sur papier brillant
Diassec sous verre, cadre acier
150 x 100 x 8 cm

L’été 2019 Paris est écrasée par la chaleur. Des souvenirs de l’enfance surgissent au gré des périodes caniculaires de plus en plus fréquentes. Les nuits blanches étouffantes et poisseuses, le bleu du ciel, la force de la lumière, me renvoient à des sensations vécues sous une autre latitude et dans une autre langue.
Je retrouve des contrastes, des densités de couleurs, et des odeurs que je n’imaginais pas pouvoir éprouver à Paris, et qui étaient jusque-là associés à un tout autre territoire, à un antipode géographique et temporel. J’ai l’intuition de vivre la transformation d’un environnement sensoriel propre à Paris. Les couleurs en demi-teintes, les faibles contrastes vont peut-être cesser bientôt de caractériser la lumière diffuse de cette ville.

Cherchant dans le ciel ces nuances de couleur que je craignais voir disparaître, comme s’il fallait fusionner à la surface de l’image deux temporalités, celle de la mémoire et celle du temps présent, j’ai adopté mon protocole habituel et  je me suis mise à photographier systématiquement le couvercle nuageux du ciel parisien en pointant un téléobjectif vers le zénith afin d’aplatir les effets de volume, et annuler la profondeur et la perspective.

 L’absence de point de fuite dans l’image fait écran à la tentation surplombante du regard.  L’infini du ciel s’impose par le fragment. Il en résulte des images frontales à la surface étale, aux variations chromatiques ténues, à la limite du visible, presque monochromes. Contrecollée sous verre la photographie se charge des propriétés réfléchissantes de ce matériau, tandis que l’encadrement en acier évoque un fragment d’architecture. Les brillances de la surface gênent la traversée du regard, l’image résiste et s’affirme comme un objet qui rejette toute entreprise narrative.

 Toujours à contretemps, l’œuvre fluctue entre trois dimensions temporelles : le temps subjectif de la remémoration, le temps de l’acte photographique et le temps de l’expérience de l’œuvre.